« Depuis que je suis passé sur une monopalme Pudov mes perfs ont fait un bon en avant ! »Qui n’a jamais entendu cela au bord d’un bassin ? Car il faut être honnête, les productions d’Oleg Pudov sont devenues quasiment des incontournables autant en nage avec palmes mais encore plus en apnée. Une enquête s’imposait, la voici !
Comment trouver Oleg Pudov ? Tel était le point de départ de notre enquête. Quelques googlages plus tard le contact était fait, il nous restait à le trouver. Adresse en main nous voici en direction de son domicile situé dans la banlieue aixoise. Une maison, une porte, un son cloche, la porte s’ouvre et voici devant nous le fameux « sorcier » de la monopalme. Plein d’humour, ce quasi sexagénaire aux yeux bleus glacier nous invite à découvrir son atelier. L’interview va pouvoir commencer !
Salut Oleg, cela fait longtemps que tu vis ici ?
Oleg Pudov: Pas réellement ! J’ai commencer à venir en France vers 1989 afin d’organiser des stages de nage avec palmes, en Bretagne notamment. Puis en 2004/2005, je me suis installé ici une fois pour toute pour être entraîneur à temps plein à La Ciotat pendant quelques temps puis pour Aix Natation depuis 2005.
Ok peux tu nous en dire un peu plus sur toi ?
Je suis Russe, j’ai bientôt 60 ans et je suis l’entraîneur d’Aix natation nage avec palmes.
Quand as tu fait connaissance avec les mono palmes ?
Oh il y a bien longtemps ! J’étais parti en mer noire avec mon club de l’université Polytechnique et j’ai eu un coup de cœur. En 1979, je deviens directeur de l’école sportive spécialisée en natation et plongeon. Nous avions un bassin olympique et à cette époque j’arrive à me fabriquer ma première mono par mes propres moyens. Les dimensions ? 75 de large pour 80 de long ! J’étais à fond, je nageais déjà à peu prêt 4000m par jour entre midi et deux. Cela me plaisait énormément et je tournais déjà en 51sc au 100m. Malheureusement un jour je me blesse à la cheville en jouant au basket et je ne pourrais plus véritablement pratiquer la monopalme.
Pour moi, pas question de laisser tomber ; je deviendrais entraîneur. J’ai réussi à obtenir d’abord un petit créneaux de 3 entraînements par semaines pour très vite arriver à 11 entraînements par semaine. Pour moi plus de doute, j’ai trouvé ma voie, l’administration très peu pour moi donc j’abandonne mon poste de directeur pour me consacrer à 100% à mon équipe. A l’époque, avec l’ex URSS, les activités sportives étaient très valorisées et donc nous arrivions sans trop de soucis à avoir tous les financements que nous voulions afin d’organiser des stages énormes comme par exemple un stage intensif de 40 jours très loin de chez nous. Malheureusement, la piscine va un jour prendre feu et je vais être obliger de partir en Moldavie avec 11 de mes meilleurs nageurs. Un de mes nageurs deviendra d’ailleurs à cette époque champion et recordman du monde.
J’ai commencé à organiser pas mal de stages notamment avec la France. C’était la guerre là bas et il faut avouer que c’était parfois chaud.
En 2005, je deviens entraîneur d’Aix natation et je m’établis donc enfin ici.
Oleg Pudov côté Power fins
Côté fabrication, tu as commencé quand ?
Dès 1979, j’ai commencé avec de la fibre de verre. On a rapidement compris l’intérêt de la déclive des plaques. Pour ce qui est de la technique, c’était assez simple : au couteau ! C’est précis et avec de bons gabarits on fait un travail impeccable. Avec le temps, j’ai pu explorer nombres de pistes sur les types de formes de déclives comme sur le nombres de fourches par mono. Un de mes recordmans sprinters a même eu à une époque jusqu’à neuf fourches sur sa mono. On avait déjà des plaques de très bonnes qualités.
Et depuis, combien as tu fabriqué de mono palmes ?
Difficiles à dire ! Dans les années 90 parfois je vendais entre 500 et 700 monopalmes par an. On en vendait de partout, en Russie bien entendu mais aussi en Grêce, en Turquie, en Belgique, … Rien qu’en Bretagne où la pratique était déjà très importante, je débarquais des fois avec plus de 150 monopalmes.
Et côté palmarès ?
J’ai eu de tout, il y a eu des champions d’Europe, des champions du monde en monopalmes. Un français a même été champion du monde sur 20kms. Bref, des titres il y en a eu beaucoup beaucoup. Et cela devrait encore continuer avec mon équipe de nage avec palmes et aussi en apnée. Je suis d’ailleurs en contact actuellement avec Alexei Molchanov.
Aujourd’hui, qu’est ce qui rend une mono palme Pudov différente du reste du marché ?
En fait même si je travaille actuellement sur de nouvelles voilures carbone encore plus réactives et qualitativement nettement supérieures, le secret n’est pas là ! Car pour moi une monopalme doit correspondre à 100% à celui qui va palmer avec. C’est pourquoi pour moi le chausson, son ergonomie, sa rigidité, son angle ont une importance équivalente à la voilure. C’est un ensemble et cet ensemble doit ensuite faire corps avec l’apnéiste ou le nageur avec palme.
Alors quand on me commande une monopalme, je demande énormément de renseignements en partant de sa morphologie, ses performances jusqu’à sa fréquence de palmage, etc. Je suis même allé jusqu’à recevoir des vidéos avec nage de face et côté afin de m’aider à fabriquer une palme qui colle à 100% . Une fois vu, je vais alors choisir la longueur, la largeur mais aussi la position des déclives parfois. Bref c’est un vrai sur mesure.
Et ton fameux chausson ?
Ah le chausson ! C’est important car c’est à ce niveau que vont se transmettre 100% des efforts envoyés par l’apnéiste ou le nageur. Seul soucis, par définition, le chausson doit être suffisamment souple pour être porté et assez rigide pour ne pas engloutir l’énergie envoyée par l’athlète. C’est pourquoi j’ai depuis longtemps étudié cette composante et testé des tas de mousses et caoutchouc afin de trouver le bon compromis de rigidité. Cela va même d’ailleurs plus loin si l’on regarde bien, un chausson de nage avec palme va même être différent structurellement d’un chausson d’apnée. En apnée la cale est différente et par contre les chaussons vont être très serrés comme en nage afin de limiter au maximum toute perte d’énergie.
Sur certains modèles, je pose même un renfort en fibre de verre sous le pied encore une fois pour optimiser les efforts musculaires. Aujourd’hui mes chaussons sont fabriqués par mon ami en Sibérie (il a d’ailleurs longtemps équipé Natalia Molchanova et Alexei Molchanov). Bien sur même si on demande un maximum de mesures au client pour la réalisation du chausson, je ne suis pas un ostéopathe ni podologue encore moins un magicien, il arrive bien entendu parfois qu’il reste des défauts alors là on reprend le chausson pour qu’il colle une fois encore à 100%.
Et le look du chausson ?
Idem, l’aspect esthétique du chausson et de ses bras ont été étudiés afin de perturber au minimum les écoulements tout en participant au guidage et sans gêner le travail de la voilure. C’est beaucoup de travail mais au final, dans l’eau le gain est très vite payant !
Powerfins en 2013, quelle est ton actualité ?
C’est la nouvelle fibre encore plus compressée avec un rendement boosté et une solidité encore plus importante mais aussi un design qui est encore amélioré.
Des projets ?
Oui à terme sortir des palmes d’entraînement en série. On a déjà développé deux moules pour les chaussons. L’objectif est de sortir des palmes en pointure de 32 à 47 en série avec version carbone et verre.
Quelle est ta vision du matériel existant en bi palme et mono palme et évolutions possibles ?
En fait si les voilures sont souvent d’une qualité correcte, je vois souvent des lacunes dans les chaussons où l’ergonomie ou la rigidité brident complètement l’ensemble. C’est du matériel très sympa pour du loisir, personnellement je vise la performance et la compétition et pour cela il faut autre chose. Aujourd’hui on sait ce qui marche côté chausson par contre côté voilure, c’est certains il y a encore du travail. En effet, il reste des zones de turbulences dans les monopalmes et une étude devra être faite un peu à l’image du travail qu’à fait la société Lunocet. Mais ça c’est encore une autre histoire malheureusement c’est un petit marché et cela manque de moyens pour un vrai développement.
Et côté entraînement ?
Ah l’entraînement, ce n’est pas difficile ! Il faut manger des kilomètres ! Bien entendu il y a la technique et les éducatifs mais si tu ne pratiques pas assez tu ne peux pas sentir ton corps dans l’eau, sentir les zones où cela freine, tes zones d’appuis,.. C’est comme le travail d’assouplissement, il ne doit surtout pas être négligé, que l’on soit apnéistes ou nageurs avec palmes.
Je vois parfois des nageurs qui ont des résultats corrects mais qui sont beaucoup trop raides. Résultat, une mauvaise position devant par manque de souplesse qui va amener un positionnement du bassin trop bas et des jambes trop pliées donc des genoux et des talons qui freinent. En apnée idem, j’ai aussi vu lors des derniers championnats du monde que beaucoup ne font que pousser avec les quadriceps mais ne tire pas ensuite avec les ischios.
Quelles solutions alors ?
Pour l’apnée, c’est simple commencer par acheter une petite bouteille d’air afin de travailler le plus longtemps possible la position sous l’eau sans avoir à remonter en permanence et sentir donc tous les appuis.
Pour moi c’est vraiment nécessaire et cela permettrait à nombre d’apnéistes d’améliorer leur technique et vraiment évoluer. Après en nage avec palmes, on va travailler le fond, la technique, le travail hypoxique,…
Des étirements spécifiques ?
Non rien de cela, il faut pratiquer régulièrement des étirements classiques à tous niveaux. Après bien entendu, s’il y a plus de problèmes, l’aide d’un kiné ou d’un ostéopathe peut être envisagé et cela débloque bien les choses.
Avec l’entraînement, tout va alors ce mettre en place et les résultats arriveront c’est obligatoire.
Un dernier mot sur l’entraînement ?
C’est simple encore une fois, il faut ressentir ce que l’on fait, réfléchir et surtout « bouffer » des kilomètres !
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