Agile et afuté en mer, pouvant clairement perturber le classement en statique, tout le monde attendait le varois lors des Championnats de France de Chartres 2015. Et pourtant alors qu’on le sentait parfaitement maîtriser l’évènement les jours précédents afin de ne pas subir un stress polluant, tout s’écroule lorsque trop esseulé il ne se rend pas compte qu’il va devoir aller vers l’air de compétition du statique. Un véritable sprint commence alors et hypothèque une belle partie de ses chances de réussites. Il fera malgré tout 6mn17; ratera le podium, mais ayant fait fort impression auprès des observateurs fédéraux il aura malgré tout gagné une chance de faire parti de l’équipe de France.
Le voici aujourd’hui dans l’avion qui l’amène à Mulhouse pour son premier stage avec l’équipe de France, un stage à l’issue duquel il pourra être sélectionné ou non en équipe de France. Un point était nécessaire :
1 – On t’avait rencontré il y a quelques mois pour ton premier statique officiel chloré, cette fois c’est à Chartres qu’on te retrouve. Comment as tu vécu l’avant Chartres ?
Jean Baptiste Savornin : L’avant Chartres a été vécu relativement sereinement avec un petit peu de pression sur la fin. Je n’ai pas changé mes habitudes et j’ai continué à aller chasser mais je me suis astreint à deux séances de statique en piscine pour essayer de contrôler mon envie de respirer.
Évidemment tout seul ce n’est pas toujours facile de pousser un peu ses limites. j’ai également commencé à faire quelques étirements, chose que je ne faisais absolument pas je me suis dit que je gagnerai un petit peu en assouplissant ma cage thoracique. Je connaissais mes capacités et je me sentais prêt. Il y avait tout de même un enjeu et j’avais envie de faire ça bien.
2 – Pour ces championnats de France, le statique passe en dernier. L’attente n’a pas été trop longue, trop éprouvante ?
Nous sommes arrivés vendredi, je n’avais donc rien le samedi et j’ai beaucoup observé par ailleurs mon expérience de la natation en compétition m’a servi. J’ai connu le haut-niveau, j’ai connu l’attente ..Il faut rester concentré, s’imprégner des bonnes choses sans pour autant rester dans son coin. J’ai discuté, j’ai encouragé mes partenaires, je les ai soutenu et la journée s’est passée relativement rapidement.
3 – Arrive le jour j, on te sent bien dans ton truc dès le début de journée puis vient l’impensable : on te voit te ruer vers ta zone de compétition. Tu peux nous raconter ?
le jour J, dimanche matin, je me lève bien. Je suis en très bonne forme, très motivé et surtout je ne crains personne. Ma préparation à sec est excellente, je suis concentré sur l’objectif et détendu. Je pense à tout ce que j’ai fait jusqu’à ce jour.
Je me glisse dans l’eau 30 minutes avant mon passage, j’entame mon protocole d’échauffement. Un protocole que j’ai inventé une semaine avant et qui semble me convenir. Je n’ai pas de coach; j’ai ma montre et je pense que tout va bien se passer. Je fais mes séries et je me prends au jeu. Je prends trop de temps avant de passer. Je fais encore une petite apnée poumons vides mais d’un coup Guillaume Bussière me réveille et me dit « oh c’est à toi!! » À ce moment je lève la tête et je vois les juges de l’autre côté, ils me font signe : c’est à VOUS!!!
Et à ce moment j’entends « top départ deux minutes ». Je vois tout défiler et je sais que je ne pourrai pas me calmer et que je vais tout droit vers la contre-performance.
4 – Au final et même si la déception est là, c’est quand même énorme de réaliser un tel temps en ayant sprinté ainsi. Comment se sont passées ces 6 minutes 17 ?
Au moment où je parle au juge il me reste une minute trente, autant dire que c’était impossible d’envisager quoi que ce soit. Je m’en veux terriblement car je suis quelqu’un d’organisé dans la vie et je ne comprends pas que j’ai pu me laisser embarquer ainsi.
je fais une dernière inspiration 20 secondes avant le top et je mets ma tête dans l’eau. Mon cœur bat très fort et de manière très puissante, un rythme élevé. J’essaie de me relâcher mais impossible il ne veut pas descendre.
À peine 30 secondes et j’ai déjà dégluti deux fois. Habituellement, je retarde au maximum ce moment. Je sais très bien que ça va mal se passer. J’ai envie de lever la tête, de jeter mon masque et de gueuler mais je sais très bien que cela serait préjudiciable pour la suite. Je pense avoir un gros mental et malgré tout c’est ce qui a fait que j’ai réussi à garder mon sang-froid.
4 minutes 35, le premier check de l’apnéiste de sécurité; j’ai déjà des spasmes du diaphragme et je sais très bien que ça ne va pas durer. La lutte commence et je tiens au maximum pour finir à 6 minutes 17. Cette épreuve a été du début à la fin un désagréable moment. Je sais très bien que le podium m’a échappé.
5 – On t’a ressenti très déçu, j’imagine que la communauté internet et tes amis ont du te remonter le moral ?
Oui j’ai été extrêmement déçu de moi-même également pour tous ceux qui croyaient en moi. J’ai ruminé pendant 2-3 jours mais j’ai eu du soutien. Beaucoup m’ont quand même félicité et j’ai vite repris le dessus. Ce n’est que ma deuxième compétition. J’ai fait une grave erreur de timing, une vraie erreur de débutant que je suis en fait. J’ai beaucoup appris.
6 – Nouveau rebondissement, te voilà en stage équipe de France en ballotage avec une place pour les championnats du monde à la clé. Alors heureux ?
Quelques jours après je reçois un coup de fil Olivia Fricker, présidente de la commission nationale apnée FFESSM. Elle me propose de me joindre au stage équipe de France pour retenter ma chance. Je ne lui ai pas caché mon enthousiasme et ma motivation. C’était impensable.
Je suis vraiment très heureux. quoi qu’il se passe cela va m’apporter de l’expérience pour le futur. Moi qui ai connu le haut niveau en natation ( NDLR: Jean Baptiste a été longtemps en international en natation en haut libre) 15 ans après je me retrouve en stage et c’est déjà un énorme cadeau.
Mes adversaires sont très bons et très forts, j’en suis conscient mais rien n’est joué. Je ferai mon maximum en guise de revanche.
7 – Côté entraînement, comment se passent tes journées actuellement ?
Question entraînement, ces derniers jours j’ai essayé de rester en forme. Pas évident quand on a été sur un pic il y a 15 jours.
Du coup j’ai fait un peu de vélo, quelques séances spécifiques de statique et quelques étirements. Je suis allé chasser deux trois fois (histoire de ne pas laissé tomber l’eau salée). .J’attends maintenant de voir ce qu’il va se passer et j’espère être au niveau.
8 – Quels conseils donneras tu à des chasseurs sous marins désireux de découvrir cet univers chloré ?
J’invite tous les chasseurs à venir participer à une compétition pour l’ambiance mais aussi pour le défi personnel ou pour gérer son stress. Nombreux sont ceux qui font des records chez eux sur leur canapé, mais gérer un compte à rebours imposé mérite d’être vécu.
Nous avons une petite section Apnée au sein du club de Saint-Raphaël maintenant et j’ai réussi à motiver pas mal de mes membres pour la saison prochaine (que ce soit des plongeurs bouteille, chasseurs ou débutants ).
9 – Le mot de la fin ?
Pour le mot de la fin, la dernière fois je vous avais dit « rendez-vous à Chartres », cette fois-ci j’ai envie de dire rendez-vous à Mulhouse et surtout rendez-vous peut-être fin juillet !
Un bel esprit ! Merci à lui dont on ne manquera pas de suivre les prochaines aventures !