Beatrice Del Negro: rencontre avec la recordwoman de France

0
6192

Quand on pense au MIF, on pense forcément à Régis Scarone et à ce groupe formidablement soudé et passionné par le statique. Pour autant, le MIF c’est aussi Béatrice Del Negro recordwomen de France et surtout depuis Belgrade 4ème mondiale. Voici son interview:

1 Salut Béatrice, comment s’est passé ton avant Belgrade et l’arrivée sur site ?
Béatrice Del Negro: L’avant Belgrade a été rythmé d’entraînements piscine avec mon coach Alban. On a travaillé des séance spécifiques données par le MIF. Petit à petit on a pu assoir des bases solides, monter en temps et les assurer. Une grande confiance et complicité avec mon coach ont fait que je ne jamais eu « pas envie » de m’entraîner. Quand on s’engage dans une aventure comme celle ci, il faut avoir conscience que l’on n’est pas tout seul et qu’on « embarque » une équipe avec soi. Mes proches, ma famille, les amis du club m’ont apporté leur soutien. Les compétitions se sont enchaînées, les résultats progressaient, l’envie de continuer était évidente. A Montpellier je bats le record de France, mais pour moi ce n’était pas une finalité. Contente évidemment car ce fût une belle récompense de notre travail avec mon coach Alban. On savait que le rêve allait continuer, car rien que d’être sélectionnée pour Belgrade était déjà extraordinaire. J’avais très peu de compétitions à mon actif. L’arrivée à Belgrade fût magique, retrouvaille avec les autres membres de l’équipe de France. Une équipe assez soudée avec laquelle on a partagé beaucoup.

Beatrice Del Negro, portrait
Beatrice Del Negro, portrait

2 Lors des éliminations tu réalises déjà un très joli 6mn09, tu nous racontes ?
Les qualifications ont été un grand moment. Les 3 jours précédents, je me suis entraînée dans 1 eau à 23°. Pour le statique c’était un problème pour moi. Donc j’ai revêtu ma 7 mm et je me suis dit : « ça va le faire, on est prêt, tu feras ce que tu sais faire ».
J’avais annoncé un temps pour passer en fin de matinée en espérant que l’eau serait moins froide. Je suis passée en avant dernière série et mon coach savait quel temps suffirait pour être qualifiée. Lorsqu’il m’annonce 6′ je comprends que c’est gagné et donc j’amorce ma sortie pour surtout avoir la White carde. Objectif atteint, mais pour moi quand j’apprends que je suis en finale A avec le 4 ème temps,  j’ai du mal à réaliser.
Tout va très vite. Du bonheur encore car l’aventure va se poursuivre. Mon 6’09 » je l’ai vécu comme un entraînement, mon coach était là à mes côtés, je me suis dit qu’on était à la maison. De bonnes sensations et donc envie d’y retourner. Car petite confidence  » je n’aime pas me faire mal « 

Beatrice Del Negro en statique
Beatrice Del Negro en statique

3 Qualifiée, comment as tu vécu les jours qui ont précédé ta finale ?
Les jours qui ont précédé la finale, je les ai vécu très sereinement.  Je faisais 1/2 heure de statique, l’eau était encore plus froide : 21°. On a répété un échauffement juste pour garder le contact avec l’eau et apprendre à gérer le froid. La veille j’ai préféré m’amuser, on a fait des photos sous l’eau on a joué avec l’eau.

4 Arrive les jour de la final où tu vas encore améliorer ton record de France. Comment as tu vécu ces 6mn36 ?
Arrive la finale. Je passe à 14h30 dans la zone à côté de la « Mama » Nathalia Molchdanova. Pour moi c’est une immense récompense que d’être en finale à côté de la meilleure. Mais toujours pas de stress. La veille mon coach me demande comment je me sens, je lui réponds :  » comme pour la compétition de Montpellier, je suis prête à répéter ce que l’on a mis en place. Dans ma tête il y a une porte ouverte vers un nouveau record. Je la franchirai ou pas. Cela dépendra de mes sensations durant la Perf. Ma priorité reste la White card « . Et là mon coach Alban me sourit et me dit : « c’est ce que je voulais entendre ».

Beatrice Del Negro, concentration
Beatrice Del Negro, concentration

Arrive le moment de l’échauffement je sais que je risque d’avoir froid car l’eau est à 26° dans le bassin intérieur et donc sans le soleil pour me réchauffer. Je pense à un conseil que m’a donné le MIF avant de partir : » ne t’engouffre pas là dedans apprend à fermer le tiroir » L’échauffement se déroule très bien dès la première apnée je sais que ça va le faire. Tractée par mon coach j’arrive en zone de Perf, détendue et prête. Puis je prends une dernière inspiration suivie de plusieurs carpes, tellement d’air que c’est inconfortable, et là je me dis  » c’est bon même si la cage tiraille tu as fait le plein +++, tu vas y aller »

immersion dans le statique de Béatrice Del Negro par Nicolas Fougerousse
immersion dans le statique de Béatrice Del Negro par Nicolas Fougerousse

J’arrive à me détendre et à reproduire mon schéma mental habituel durant les 4 premières minutes. Puis l’envie de respirer arrive progressivement, les spasmes se mettent en place, je les accompagne je joue presque avec. Alban m’annonce 5′ puis 5’30 », 5’45 » suivi de clics de contrôle. Arrive les 6′ je me sens bien, phase de lutte vécue avec calme. Ce n’est pas la guerre. Puis lorsqu’il m’annonce 6’30 il me rappelle que j’ai une belle sortie à valider, je me dis alors « ça y est tu l’as fait ce nouveau record, tu es encore très bien alors tu vas sortir ». Je sors avec une détermination magique et un désir de montrer comme je suis bien. Je respire 3 fois, enlève le masque puis fais le signe ok et dit  » I am ok » avec un regard et un sourire délicieux. J’avais presque l’impression de me voir.
Lorsque le juge m’annonce mon temps je souris et me jette dans les bras de mon coach. On y est allé, on a réussi à valider un travail de 4 mois. Pour moi cette perf est autant la mienne que la sienne, l’apnée est un travail d’équipe.

Beatrice Del Negro et Alban par Nicolas Fougerousse
Beatrice Del Negro et Alban par Nicolas Fougerousse

5 Qu’est ce qui selon toi a été la clef d’un tel succès ?
La clé du succès; une clé composée d’une multitude de codes : l’envie, le travail, la complicité le dialogue avec mon coach, les conseils du MIF, l’entraînement, l’esprit d’équipe, le soutien de ma famille mes parents enfants…des amis du club. L’envie de vivre un rêve et d’aller au bout.
Lorsque Claude Chapuis m’a envoyé un mail en début de saison en me disant que les temps réalisés sur les deux compétitions faites en 2014 pouvaient me permettent d’être sélectionnée pour Belgrade et qu’il me suffisait de participer aux compétitions de 2015 ( j’en n’avais jamais fait avant), alors je n’ai pas réfléchi très longtemps. Alban m’a dit ok je vais te coacher…ça y était l’aventure démarrait.

6 Une fois encore, on a le sentiment que la Team France et son entente a été un gros plus ?
La Team France a été une belle équipe à vivre. Très bel esprit, entente, soutien, quelques complicités aussi. Et surtout pas de rivalité entre nous même si on était des compétiteurs. Le trio de sélection Aida France tenait à cela et ça c’est fait naturellement.
La MIF TEAM à été très forte et présente  malgré la distance, on était toujours connecté et lors des transmissions en direct ils cessaient leur activité pour vivre le moment en live

equipe de France Aida
equipe de France Aida

7 Côté « Mifioso », on peut dire qu’avec Régis vous faîtes un beau tir groupé, heureux ?
Oh oui, avec Régis, son coach Domi, Alban et moi avons réalisé un joli tir groupé. Et cela avait déjà commencé tout au long de l’année au fil des compétitions et des entraînements. Savoir qu’on n’est pas tout seul à  devoir  » se taper dedans » comme nous dit le MIF, ça aide. Parfois à la fin d’une séance avec  Régis on se racontait nos apnées, c’était cool et motivant. La première fois que j’ai franchi la barre des 6′ c’était le 13 février de cette année.  Régis m’a sauté dans les bras et m’a dit :  » on y est ! »
En rentrant chez lui il a même réveillé sa femme. Un vrai partage une vrai amitié

beatrice del negro en dynamique
beatrice del negro en dynamique

8 Comment s’est passé ton retour dans le var ?
Mon retour dans le var : ma famille m’attendait, mes amis, mon village, mon patron et collègues de travail étaient tous fiers et contents, impressionnés par Minipouce c’est ainsi qu’on me surnomme au club ( c’est cool )
Pour la petite histoire, nous avons  fait le voyage en voiture. 1500 km !! Certains nous ont appelés « les guerriers » c’est sans doute vrai
Mes amis ont organisé une soirée pour fêter cela avec joie et pour la première fois j’ai été arrosée de champagne
Puis la vie continue, je me lève pour travailler comme avant…il ne faut pas oublié que ce n’est que de l’apnée  et que prendre le melon s’est se mettre en danger.

beatrice del negro en mer
beatrice del negro en mer

9 le ou les mots de la fin ?
Aujourd’hui je m’autorise un peu de repos. Une coupure avec la piscine mais pas avec l’apnée, je sors chasser régulièrement, fusil photos… Le bonheur d’être dans l’eau. La beauté des eaux du var, les îles d’or de Hyères sont à l’origine de ma passion.
Je n’avais que 6 ans lorsque mon père me propose une randonnée PMT. Et là je découvre le monde de la mer et je me dis du haut de mes 6 ans « c’est ça que je veux faire » quelques années plus tard armée d’un caisson je me dis qu’il serait temps d’apprendre à aller à la rencontre des poissons et de ces paysages merveilleux… je m’inscris donc au club du MIF en février 2011.
La compétition n’était pas du tout un objectif pour moi, je voulais apprendre l’apnée pour vivre mieux ma passion d’être sous l’eau. Ma chère maman qui me connait si bien m’avait dit un jour  » tu ne vas pas faire de compétitions ?? Avec une certaine crainte…l’eau n’est pas son élément… j’avais répondu non non !
Aujourd’hui je pense que je n’ai pas tout à fait réaliser l’arrivée de mon parcours et tant mieux. Sans doute que pour moi je n’ai pas fini. Envie sûrement de continuer et voir où ça me mène,…,mais attention pas dans la douleur car je sais que sinon je n’y retournerai plus. Le MIF m’a dit un jour  » tu es une guerrière  » ok mais pas une kamikaze

Merci et encore bravo à elle pour de si beaux résultats mais aussi pour ce bel exemple de vie ! Ne change rien et à bientôt pour de nouvelles aventures !