Remy Dubern faisait sa rentrée lui aussi ce matin pour le poids constant sans palme. Dans un contexte assez compliqué, le français du Team Blue-Addiction va malgré tout accrocher un belle perf à 68m qui lui permet de se rapprocher au pied du podium. Voici son interview :
1 – Peux tu nous parler de ton arrivée, comment tu as vécu l’épisode Nery et surtout d’hier avec la publication des annonces ?
Remy Dubern : J’ai passé un été extrêmement intense avec l’ouverture de notre école d’apnée à La Londe Les Maures, et l’arrivée de mon fils Maé en juin. Concilier cela avec mon entraiîement a souvent été très difficile et m’a demandé beaucoup d’énergie et de motivation.
En arrivant à Limassol 12 jours avant les championnats, j’espérais bien pouvoir me consacrer 100% à mon apnée pour mettre le dernier coup de boost qu’il me manquait. J’étais aussi heureux de retrouver les copains des 4 coins du monde laissés 2 ans auparavant. Et puis les surprises sont arrivées. Guillaume, Morgan et moi avons aussi une forte expérience de l’organisation et de l’encadrement d’apnées profondes et avons de suite constaté plusieurs « étrangetés ». Il était évident que les organisateurs avaient travaillé dur depuis des mois pour préparer notre accueil, mais c’était comme s’ils avaient tout préparé en autarcie, sans guidance, sans échange avec AIDA International ou d’autres professionnels. Il nous a fallu plusieurs jours de discussions pour obtenir ensemble un niveau de sécurité satisfaisant.
Le premier jour de compétition pré-championnats a cependant dû être annulé pour finaliser les modifications. J’ai rongé mon frein, et le 2° jour j’ai pu valider un 70 m en sans palme ! Record personnel en compétition, une grande satisfaction.
Le 3° jour voir syncoper Guillaume a été une totale surprise tellement je n’avais aucun doute sur sa réussite. L’équipe de sécu a très bien réagi. Malgré une blessure évidente aux poumons, il est revenu assez rapidement et je n’étais pas réellement inquiet sur sa sécurité. J’étais par contre profondément déçu pour lui. Contrairement à d’autres athlètes qui auraient replongé 48h après, avec Guillaume nous partageons la même approche basée sur les sensations et le respect de soi-même. Je savais que c’était la fin de ses championnats avant même qu’ils n’aient commencés.
Puis lorsque nous avons réalisé qu’on l’avait envoyé 10m trop profond, la déception s’est transformée en révolte. Je connais les sacrifices qu’implique de s’engager dans une saison d’apnée avec pour objectif de dépasser ses limites. En 2013 nous avions partagé toute une saison d’entrainement ensemble. Savoir ses efforts et sacrifices d’une année complète réduits à néant en 30 secondes à cause d’une telle négligence m’a bouleversé. Mon ami s’était fait voler son record, ses championnats, sa saison.
Je n’avais qu’un mot en tête, sabotage. Je devais passer peu de temps après mais j’étais tellement tendu et bouleversé que je me serais moi aussi blessé si j’avais cherché à faire ma plongée. J’ai préféré assurer mes championnats et attendre aujourd’hui pour m’envoyer.
Je ne veux pas rentrer dans le débat sur les responsabilités, beaucoup de choses plus ou moins utiles ont déjà été écrites partout sur le net. Je n’aime pas m’embrayer dans le sensationnalisme ou tirer sur l’ambulance et je préfère essayer d’être constructif. Notre sport est fabuleux et se développe à très grande vitesse. Il est aussi l’un des plus sûrs à condition de respecter des règles de base. Il faut aujourd’hui aller vers plus de professionnalisme pour assurer un niveau de sécurité homogène dans toutes les compétitions, toutes les écoles et tous les clubs de par le monde. Il faut qu’AIDA International puisse apporter une vraie guidance et être le garant de cette sécurité. Les méthodes d’audit et de gestion des risques sont connues depuis longtemps dans le monde de l’entreprise sur tous types de processus. C’était mon métier il y a 10 ans. Appliquons-les et diffusons-les auprès de tous les acteurs de l’apnée pour qu’une erreur hélas fréquente aujourd’hui comme se tromper de profondeur en réglant une ligne ne se reproduise plus – ou plus rarement.
2 – Ce matin, c’est le grand jour, l’entrée en scène, comment vis tu ce moment ?
Assez sereinement. N’ayant pu plonger comme j’en avais besoin sur les jours précédents, j’avais accepté que je ne plongerais pas à mon maximum sur ces championnats. La veille j’ai fait une annonce conservatrice à 68 mètres anticipant un stress accru et un léger courant. Avec la frustration accumulée, j’avais envie d’y aller et j’étais confiant. En arrivant sur la plate-forme la tension environnante était palpable. Chacun se préparait sous l’œil des caméras, les objectifs cliquetaient au moindre de nos étirements. C’était effectivement un peu stressant.
Je me suis concentré sur mon fils, son plaisir inné d’être dans l’eau quand je le baigne, j’ai immédiatement souri. Je me suis aussi souvenu que j’étais là avant tout pour me faire plaisir. Guillaume était auprès de moi pour me coacher. J’étais détendu lorsque je suis arrivé à ma ligne. J’ai quand même vérifié ma profondeur !
3 – Arrive la perf, tu nous la racontes ?
HORRIBLE !
A 3 minutes de mon top alors que je respirais sur le dos, une vague m’a inondé les sinus. J’ai eu beau me moucher tant que j’ai pu, dès ma première tentative de compensation des oreilles, j’ai cru que la plongée allait s’arrêter là. Il m’a fallu faire appel à toute mon expérience et user de toutes mes ruses de sioux pour arriver à faire passer chaque compensation jusqu’au fond. A aucun moment je n’ai pu trouver le relâchement alors que la descente est habituellement un moment de totale sérénité pour moi. J’ai vraiment dû me concentrer toute la remontée et particulièrement en surface pour assurer ma sortie alors qu’en vrai j’étais dans le dur.
Avec le recul, j’ai vraiment apprécié ma prudence lors de l’annonce.
4 – Avec les cadors qui ont trébuchés, te voilà en position d’une belle place, quel classement ?
Il y a souvent beaucoup d’échecs sur les épreuves de sans palme. C’est une discipline très exigeante et le moindre élément adverse comme du courant, des vagues ou du stress peut complètement changer l’issue d’une plongée pour les apnéistes moins réguliers. Je savais qu’avec 71m je risquais le podium mais qu’avec 68m je serais probablement 6ème. J’ai pourtant préféré assurer un carton blanc plutôt que risquer le tout pour le tout. Je pense qu’une progression se fait sur la durée, et je fais de la compétition pour le plaisir avant les résultats. Les juges doivent encore visionner les caméras de fond pour vérifier la présence ou non de pénalités, mais à priori je serai 6° ! Une très belle place après une année aussi chargée 🙂
5 – Tes prochains objectifs, en gros, quel est le programme de Remy Dubern à présent ?
Là de suite, soutenir les copains lors du poids constant à la palme que je ne présente pas, faute de temps cette saison pour la travailler, et notamment Vincent Mathieu. Il travaille et s’entraine avec moi à Blue-Addiction à La Londe Les Maures. Il a un grand potentiel et ces championnats sont une première pour lui. Je suis heureux de l’aider à en faire une expérience enrichissante pour la suite de sa progression.
Puis viendra samedi la dernière épreuve, l’immersion libre, où je vais pouvoir renouer avec les vraies profondeurs et encore des sensations addictives différentes. Ensuite j’aurai 2 courtes semaines pour retrouver ma famille qui me manque, et il sera temps de s’envoler toujours avec Vincent au large de Naples. Nous avons la chance de pouvoir représenter l’équipe de France FFESSM cette fois-ci aux Championnats du Monde de profondeur CMAS.
Je me reposerai plus tard, la vie est courte, vivons la intensément !
Merci à lui pour cet échange et encore bravo pour cette performance tout en lucidité ! A bientôt pour d’autres aventures apnéiques !
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