Si en méditerranée, la fin de l’été est synonyme de belles pêches, elle l’est aussi pour la côte atlantique. Voilà pourquoi nous avons rencontré Geoffrey Geyer, chasseur sous-marin reconnu et fine flèche basé sur Brest où il œuvre à la fois dans le magasin Loisirs 3000 mais aussi en tant que secrétaire de son club « L’Agachon Tranquille ».
1 – L’échauffement en pêche sous-marine n’est pas toujours simple notamment si l’on pêche en bateau, dans ton cas comment organises tu ton début de sortie ?
Tout dépend du type de poisson recherché ! Sur une pêche de sar, on entre assez rapidement dans le vif du sujet; la prospection se faisant dans la couche supérieure car on va vite rechercher ces poissons sur les têtes de roches ou les plateaux, alors que pour une pêche en dérive pour le lieu jaune, bar ou dorades grises, je vais y aller crescendo; en commençant dans des profondeurs inférieures à 15m, afin de « me faire la caisse ». Dans le dernier cas, brûler les étapes ou s’envoyant à froid sur des profondeurs trop importantes peut casser la performance en voulant trop « tirer dessus » dès le départ voire être dangereux.
J’aime la profondeur mais je suis du genre prudent, j’ai été à bonne école en m’inscrivant dès mes débuts dans un Club de chasse sous-marine; l’Agachon Tranquille, dont je suis le secrétaire depuis plusieurs années. Mon collègue et surtout ami, François Talarmin, l’a crée il y a 30 ans cette année, et avoir cotoyé des pointures de la chasse sous-marine Finistérienne m’a permis de progresser vite, et en tant que vendeur spécialisé chasse sous-marine chez Loisirs 3000 à Brest, j’ai un pied à l’étrier tous les matins….. s’il y a bien une chose que j’aime en arrivant au boulot c’est l’odeur du néoprène.
2 – Combien de temps te faut-il pour être à 100% de tes capacités ?
En général, une heure environ me permet d’être au point en terme de sensations, mais parfois on entre vite dans le vif du sujet, le mental joue beaucoup, et quand le poisson est là, c’est l’instinct qui génère la concentration. Je dis souvent à des clients ou des amis qu’il faut chasser avec son estomac, pas besoin d’être un gros apnéiste pour faire un bel accroche poisson, il faut observer et comprendre…et pour cela j’ai été à bonne école.
3 – Tu pêches essentiellement en bateau, te concentres tu plutôt sur un seul spot ou papillonnes tu d’un spot à l’autre ?
Les maitres mots d’une sortie bateau sont mobilité et réactivité. J’affectionne particulièrement la pêche en dérive dans les courants; avec un barquero et deux plongeurs à l’eau, autant te dire qu’il est impossible d’ancrer dans ces conditions. Pour d’autres pêches, mais si on se met à poste sur une zone, l’idée est de ne pas rester trop traîner si la vie n’est pas là. En Bretagne, tu sais vite si le poisson est là ou pas, donc nous essayons à chaque fois d’optimiser le temps imparti et faire en fonction des marées, de la reprise du courant, des changements de conditions.
4 – On te connaît amateur de pêche de beaux bars et autres lieux , peux tu nous parler des particularités de ces pêches en Bretagne ?
Ce sont des pêches physiques, qui nécessitent une bonne condition ( après je ne suis pas drastique sur mes repas, je suis quelqu’un de « bon vivant », mais disons que je fais attention tout simplement), ceux qui la pratiquent ne pourront pas me contredire. Il faut chercher les tombants, du relief, des structures, les accords sable roche, etc… Nous avons des spots absolument magnifiques et très pêchants qui permettent de vraiment se faire plaisir. C’est encore mieux quand on partage çà entre potes, qu’ il y a une bonne cohésion, de la confiance et de la convivialité. La passion crée des liens forts entre les gens, et pêcher avec les mêmes personnes depuis plusieurs années renforce tous ces sentiments.
Pour la pêche du bar sur les bancs: l’idée est de trouver des structures avec forts courants et gros dénivelés/ tombants, grâce à l’outil électronique ( on utilise essentiellement du Lowrance) , la prospection est très efficace sur une détection de boule de bars. La difficulté réside alors dans la profondeur et la finesse de la coulée afin d’éveiller la curiosité du poisson qui monte vers le chasseur ( cette pêche se pratique quand même entre des fonds de 15 à 25m).
J’ai souvenir d’une sortie avec Pascal, Vince et Benoit, 3 collègues avec qui j’ai eu la chance d’avoir une vision de milliers de bars entre 3 et 5kg me monter dessus…. une grosse grosse montée d’adrénaline.
5 – Y a t il des erreurs à éviter ?
De toujours penser que le gros poisson est profond, même pour le lieu jaune, il m’est arrivé de sortir des spécimens entre 3 et 4 kg lors de sorties « à la côte » dans moins de 12m d’eau. J’ai observé à plusieurs reprises que même si je descendais sur des fonds supérieurs à 20m il arrivait régulièrement que le poisson descende car il se trouvait en haut des têtes de roches. Ensuite, lorsque la zone est localisée, cela ne sert à rien d’insister si plusieurs poissons sont prélevés. Mais il m’est arrivé l’année dernière de faire 2 très beaux poissons sur le même poste à quelques minutes d’intervalle…. comme quoi ce n’est pas une science exacte, il faut y aller au flair.
-Soleil dans le dos ou pas ? Face ou dos au courant ?
j’ai tendance à pêcher avec le courant dans le dos, mais le maître mot c’est de bien regarder autour de soi. Cà arrive souvent derrière. Pour le soleil je n’ai pas de préférence particulière d’autant qu’avec la profondeur ça joue un peu moins.
6 – On t’a vu aussi dernièrement faire de belles rencontres lors d’un de tes passages en méditerranée. Tu peux nous en parler ?
J’ai eu la chance de rejoindre Mike Izquierdo, un autre membre de la Team SEACSUB France et ami, en juillet pour faire quelques clichés pour le catalogue de la prochaine saison. J’y ai découvert une approche complètement différente dont j’avais eu l’occasion de discuter avec mon pote Benoit Panuela, marseillais d’origine exilé en Finistère depuis quelques années. Les Mediterranéens ont, je trouve, une approche très fine et beaucoup de mérite pour le peu que j’en ai vu. En Bretagne, il y a plus de poissons mais les fonds sont moins accueillants.
7 – D’un point de vue technique, as tu remarqué des différences de comportement à avoir ?
Pour ce qui est des approches, les erreurs de positionnement sont pratiquement impardonnables pour certaines pêches méditerranéennes, chez nous le seuil de tolérance aux bruits parasites ( plombs qui frottent au fond, bulles, etc…) est plus élevé. j’en reviens à l’idée de pêche « finesse » pour les gars du Sud qui me laisse admiratif. Mais j’en apprend à chaque sortie et ce n’est pas fini.
8 – Si septembre/octobre sont souvent synonymes de belles pêches, comment appréhendes tu l’arrivée de l’hiver et quelle est ton activité durant cette période ?
La météo est très capricieuse ici, c’est ce qui dirige l’organisation de la saison. L’hiver dernier a été particulièrement tumultueux et nous ne sommes pas sorti pendant 3 mois. C’est à ce moment là qu’il est appréciable d’aller compter les carreaux aux créneaux piscine organisés dans un club ou de sortir le VTT. Mais ici, chaque créneau météo est bon à prendre, nous allons pêcher au large ou faire du crustacé à la côte ( je ne vous apprends rien sur la réputation culinaire du Homard Breton par exemple…) j’ai également gouté aux joies de la veste en 9mm. Nous avons, les années précédentes, proposé à la vente au magasin, des déstockages de combinaisons 9mm ( initialement destinées au marché d’Europe de l’Est) et nous avons fait cette année avec François Talarmin le constat d’avoir quasiment « lancé » ce marché en France. Il suffit de voir les marques françaises qui ont récemment étoffé leur gamme.
9 – Côté matériel, comment adaptes tu ton matos à la pêche du bar ou du lieu ?
Tout d’abord, je modifie mon lestage en fonction des profondeurs et du type de pêche pratiqué, c’est très important. J’utilise des arbalètes de tailles différentes suivant la visibilité. J’utilise des Xfire et Ocean Fire, avec moulinet entre 95 et 115 suivant les conditions. Ces fusils sont d’une excellente qualité avec une cassette monobloc inox qui permet des montages de sandows très puissants. Je suis sur des configurations classiques avec sandows 17.5 blonds ou progressifs. Le double ardillon est impératif pour les gros lieus. J’attache un point important sur le frein de mes moulinets que je règle comme un frein sur une canne à pêche, afin de bien travailler le poisson en cas de « rush ». Ces montages légers en comparaison des fusils bois ou rollers sont particulièrement adaptés à la pêche ici. Simples et efficaces.
10 – Que penses tu des arbalètes roller que l’on voit apparaître de plus en plus ?
J’ai des avis partagés. Pour une utilisation dans le courant, j’ai modifié deux de mes fusils avec des configurations « fait maison » type Roisub demo ou fusion, c’est ce que j’estime être le plus polyvalent en terme de roller. Les rollers en Atlantique sont assez peu répandus car le poisson vient relativement bien à l’agachon. Les conditions méditerranéennes ont généré l’engouement pour ce type de configuration. Ce sont de très bon fusil pour des postes d’agachon mais avec peu de courant. Toutes les marques, ou presque, sortent leurs modèles. mais pour la pêche en dérive pour ici, un fusil classique avec un tube de 28mm est largement suffisant.
11 – Une idée d’entrainement pour la pêche sous-marine et travailler notre sens du poisson ?
Pour ce qui est de l’entrainement, pratiquer le plus régulièrement possible, aller en mer, comprendre , interpréter, noter les conditions, le vent, la température de l’eau, quand on sait ce que le poisson mange, on peut savoir où le trouver…
12 – Le mot de la fin ?
Pratiquer avec éthique, c’est un sport décrié mais o combien noble, la méthode de pêche la plus sélective qui soit. Eviter de plonger seul, partager, et surtout bien se renseigner sur nos droits et devoirs ( combien de chasseurs sous-marins ne connaissent pas bien les espèces, les mailles, les quotas, etc…)
Merci à lui et à bientôt pour le catalogue SEACSUB 2016
Une longue vidéo de Geoffrey Geyer réalisée en 2012: