Alors que nous cherchions qui serait le chasseur sous-marin que nous mettrions en avant pour parler de la chasse des sérioles dans le var, son nom nous parut comme une évidence. Non qu’il soit le plus célèbre, ni le plus titré mais parce que s’il est un passionné que nous ayons rencontré ces dernières années et qui nous ait surpris pas sa finesse d’analyse autant que la fréquence de ses prises c’est bien lui. Certains l’auront déjà deviné, c’est donc sur Jérémy Chamard que s’est porté notre choix et force est de reconnaître qu’à l’issue de cette interview/dossier nous ne l’avons pas regretté, loin de là, par la qualité de ses réponses ! Les voici, juste pour vous !
1 – L’échauffement en pêche sous-marine n’est pas toujours simple notamment si l’on pêche en bateau, dans ton cas comment organises tu ton début de sortie ?
Jérémy Chamard : Je pêche exclusivement en bateau et pour être honnête je ne m’échauffe pas au sens technique du terme. Je prends par contre le temps de me recentrer sur moi et mes sensations. Le trajet en bateau jusqu’au spot que j’ai choisi devient alors un moment idéal pour me détendre, faire le vide et me préparer avec plaisir à changer de milieu. Bref, je déconnecte et la première apnée va me permettre de rapidement savoir où j’en suis côté forme.
2 – Combien de temps te faut il pour être à 100% de tes capacités ?
Grosso modo, il me faut 4 à 5 apnées pour être à 100 % de mes moyens. Après, il y a des fois, si au bout de la 5ème descente, je ne me sens pas super en forme ou encore dans le dur, là je vais préférer reculer dans la zone pour laisser les poissons assez tranquilles et revenir sur le poste lorsque je serai parfaitement éveillé.
3 – Comment organises tu tes sorties ? Un seul spot ou tu papillonnes ?
Bien que ces dernières années les spots aient beaucoup changé, je suis plutôt du style à rester sur un seul spot. Cela me permet de mieux le connaître mais aussi de pouvoir surprendre du poisson qui d’une manière ou d’une autre circule sur la zone.
4 – Aujourd’hui on te connaît comme un véritable passionné de la pêche sous-marine de la sériole. Peux tu nous parler de ce qui t’a amené à cette passion ?
Mon père ! Il a toujours chassé et j’ai quasiment toujours été à l’eau avec lui. S’il sort un peu moins aujourd’hui, cela ne l’empêche pas d’être toujours particulièrement aquatique et d’être parfaitement capable de chasser sur 30m sans se poser de question. J’ai commencé vers 10 ans avec pour première arme une fouine et un labre pour première prise. Puis vers 16 ans j’ai enfin eu droit à ma première arbalète : un 50cm.
5 – D’un point de vue technique, comment abordes tu cette pêche de la sériole ? Y a t il des spots qui se prêtent plus aux rencontres que d’autres ?
Avant tout, je dirai que même s’il y a des zones où l’on sait que l’on va pouvoir rencontrer de la sériole, on en construit pas une sortie avec cet unique but. Après d’une manière générale, la sériole va aimer les secs ou arêtes rocheuses notamment au large. Elle pourra aussi aimer passer en lisière de roches/posidonies et sable. Après, ce qu’on retiendra c’est que là où on a vu une fois passer une sériole, cela peut être un passage et que forcément d’autres pourront passer par là à la bonne période.
Une période ?
Oui, en effet, la grosse période de pêche de la sériole c’est à partir de la mi juin et jusqu’à fin juillet. Après ou avant, bien entendu, les rencontres sont toujours possibles mais la fréquence est moindre. Des conditions de rêve ? Une météo changeante, un ciel pas forcément bleu et une eau changeante. La sériole adore !
Et côté technique ?
Ce qu’il faut absolument garder à l’esprit c’est qu’il ne faut pas hésiter à prendre son temps quitte à revenir. Généralement, sur un tir de sériole s’il y a un truc qui « déconne » cela vient 9 fois sur 10 de toi. Généralement, elle t’a repéré depuis longtemps et va souvent arriver par surprise ou mal placée. Il faut surveiller la mange qui est présente qui va réagir de manière beaucoup plus marquée que pour un autre poisson. D’un coup, toute la mange descend et la sériole arrive doucement. S’il y en a plusieurs, la première est toujours une femelle et les autres suivent. C’est bon à savoir. Là tu as 5 ou 6 secondes pour réagir et assurer ton tir. Pour moi, pas la peine de tenter un tir à un endroit risqué, je tire toujours là où j’estime qu’il y a le plus de matière et où ma flèche sera parfaitement calée. Elle passe et hop c’est le tir ¾ arrière et la bataille peut commencer. Autre chose d’important : le stress ! La sériole comme nombre de poissons observe et ressent énormément les choses. Si tu es stressé, elle va le sentir et potentiellement ne pas venir ou partir tout simplement. Si, tu es relax, elle vient voir relax car la sériole est très curieuse.
Seriole#preserverlafemelle#prendresontemps#shoot#Amberjack#teakseaT8 from Chamard père et fils on Vimeo.
Coulée, agachon ?
Personnellement, j’ai déjà fait quelques coulées mais ce n’est pas mon truc. Je préfère largement l’agachon en choisissant parfaitement mon poste comme pour la pêche du denti.
On va souvent retrouver les sérioles dans la couche d’eau chaude l’été mais aussi dans le courant sauf en période de fraye où elle préfère le calme. Poisson puissant, elle aime remonter sur ses proies face au courant.
Et donc quelle position ? En toute logique, on évitera d’avoir le courant de face au risque de voir souvent la sériole arriver par surprise dans votre dos.
Une fois le tir lâché que faire ? Tout va dépendre de la taille et d’ailleurs le plus surprenant est que les plus batailleuses sont souvent entre 12 et 25 kg. Au delà, on est dans un schéma plus classique où la sériole tire vers le large mais de manière moins nerveuse. Il reste alors à la laisser s’épuiser. Par contre, peu importe la taille, là il faut rester concentré c’est sur la fin, au moment d’aller chercher la sériole. Là elle va se débattre encore un peu et il faudra faire attention à ne pas la saisir par la flèche au risque de lui donner un appui et risquer de la perdre. Bref, le maître mot : Self contrôle !
6 – Tu as la chance de pratiquer la chasse sous-marine dans le var, on voit souvent ce département comme un endroit ultra poissonneux, mythe ou réalité ?
D’un côté oui c’est clair dans la mesure où on y fait encore de très belles rencontres. Mais, cela tend à devenir moins l’El dorado dans le sens où le poisson se raréfie sur certaines zones où jusqu’il y a encore 5 ans les rencontres étaient nombreuses. Le poisson bouge, les zones évoluent et surtout la profondeur augmente. Idem pour les sérioles où les rencontres en masse sont de plus en plus rares. Une raison ? Difficile à dire même si on a déjà vu des thoniers venir taper dans des bancs de sérioles par 100m de fond en hiver. Ce qui est certains c’est que je tiens un carnet de pêche depuis mes premières années et qu’à mesure que les années passent, le nombre de prises diminuent. C’est inquiétant !
Denti 8.9 kgs CHAMARD from Chamard père et fils on Vimeo.
7 – L’hiver arrive, quel est ton programme ?
La course à pieds dès que possible et continuer à aller au moins une fois par semaine à la mer pour garder une certaine osmose avec l’eau. L’hiver les pêches sont différentes et dans la mesure où les liches sont absentes, je me concentre surtout sur les dentis. Côté apnée à proprement parler, je n’ai pas d’entraînement particulier mais j’essaie de rester affuter physiquement. Par expérience, j’ai remarqué que le surpoids avait une véritable influence sur la qualité des apnées et surtout l’attitude sportive d’une manière générale. Il n’y a pas de secrets, si tu veux aller à l’eau en sécurité il faut être un minimum sportif.
8 – Et pour développer le sens du poisson, tu as des recettes ?
C’est assez logique, si on veut comprendre un minimum le poisson, il faut être souvent à l’eau et par dessus tout observer un maximum. Autre point important travailler sa discrétion dans l’eau, en partant du canard jusqu’à l’attitude au fond. C’est d’autant plus important lorsque l’on parle de dentis par exemple. Arriver au fond, le jeu est d’intriguer le poisson, de disparaître plutôt que d’imposer une présence. Je vais alors pouvoir mimer la peur en m’aplatissant au maximum sur le fond notamment quand les dentis se rapprochent.
Et les bruits de gorge ?
C’est pour moi plus un rappel qu’un appel. De toute façon, le poisson a déjà vu notre arrivée et il est surtout important de ne pas donner l’impression d’être dangereux pour lui sinon il ne viendra pas. Pour la dorade, c’est différent, un bruit de sable ou de coquillage, elles adorent.
9 – Allez fait nous rêver, un souvenir d’une de tes plus belles pêches ?
Mon meilleur souvenir n’est pas celui d’un pêche de sériole comme on pourrait le croire mais d’une pêche de dentis. J’étais en bateau avec mon père et un ami. On fait le premier poste et alors qu’il n’arrive pas à faire de poissons, je sors le premier denti de la journée. On change de spot, et hop encore un alors qu’eux restent sans poisson. Troisième spot, même histoire, ils hallucinent et rient un peu jaune. Je suis un peu fatigué car on est à l’eau depuis 3 bonnes heures alors je propose de rester sur le bateau. Ils tournent un peu dans les alentours mais restent broucouille. Je vais alors descendre juste sous le bateau et faire mon 4ème denti de la journée. Juste énorme !
Par contre mon pire souvenir est un sortie où je suis seul (ce qu’il ne fait pas faire). Je suis surpris par une sériole qui arrive à deux mètres au dessus de moi. Je tente un tir, c’est l’impact. Le fil déroule mais je la vois partir dans les rochers. J’ai un peu de marge alors je fonce sur elle (autre erreur), alors que j’essaie de la saisir, je me retrouve enroulé das mon fil lui même accroché à un rocher et la galère commence. J’essaie d’oublier le poisson de me recentrer sur le problème et garder mon calme. J’arrive tout juste à me décrocher. Arrivé en surface alors que je saisis ma flèche et bloque la sériole je vois mes ardillons qui partent dans l’eau. Il s’en est fallu de peu. C’était il y a bien longtemps mais c’est un sacré souvenir et cela contribue à ne rien laisser au hasard depuis côté matos.
Grosse Seriole from Chamard père et fils on Vimeo.
10 – Justement côté matos, les impératifs pour un pêche de sériole ?
Perso, je suis sponsorisé par Teaksea. J’ai choisi un modèle puissant avec flèche 7,5mm propulsée par 3 sandows blonds. C’est du matos lourd mais robuste et fiable. Après chaque gros poisson je re-check tout mon matos pour éviter tout risque de perte. Un détail par exemple : le nylon où j’utilise obligatoirement une bonne pince à sleeve.
Et les rollerguns tu as essayé ?
Pas vraiment, Teaksea n’en produit pas et il semble qu’à moyenne portée la précision soit parfois en retrait. Ce qui est certains c’est que j’aime la simplicité même avec un gun comme le dernier de Teaksea l’hypérion et ses 4 sandows.
11 – le mot de la fin !
NO STRESS ! La sériole a beau être impressionnante par la taille, elle n’en reste pas moins un poisson à la curiosité incroyable voir suicidaire. Restez cool et vous aurez droit à vos plus beaux souvenirs !
Merci à lui et à bientôt pour un autre dossier et une autre rencontre chasse sous marine